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Sifu Muller Lauret, de son surnom chinois « Lee Fu Shen » (qui signifie l’homme chanceux), fait partie de ces rares personnes qui savent s’écouter et tout mettre en œuvre afin de pouvoir vivre pour et de leur passion.
En effet, S’il est un qualificatif unanime pour caractériser Sifu Muller, c’est bien le terme « passionné », un homme qui a su se surpasser et tout entreprendre pour concrétiser ses rêves d’enfant !
Au dire de son entourage, Muller était un enfant très nerveux avec beaucoup d’énergie à revendre. Afin de canaliser cette énergie débordante et suivant les préconisations du médecin familial, ses parents l’inscrivirent à des cours de karaté (seul art martial avec le judo enseignés à cette époque).
C’est ainsi qu’en 1970, à l’âge de 9 ans, ce passionné d’arts martiaux fit ses premiers pas au sein d’un univers qui allait bouleverser son existence.
Sous la protection de son premier maître, le regretté Jean Marc Castelnau, Muller débuta ses cours au Karaté Club Sankukaï à Saint Pierre. Tel un fidèle disciple déjà rempli de dévotion malgré son jeune âge, Muller était le seul élève à rester après son cours pour assister attentivement à celui des « grands », à nettoyer consciencieusement la salle d’entraînement, à plier religieusement le kimono du maître… attendant respectueusement la fin de tous les cours pour que son maître puisse le ramener chez lui. C’est donc tout naturellement que maître Castelnau confia à son jeune poulain doué l’enseignement des cours pour enfants alors que ce dernier n’a que 14 ans. Muller obtint par la suite la ceinture marron en 1976.
C’est à cette période que Muller fit une rencontre déterminante qui allait constituer un tournant majeur dans sa vie : Daniel Duby De Lavergne, ceinture noire de la même école!
Surdoué âgé d’à peine 17 ans, Daniel ressentit à ce moment-là le besoin de progresser davantage dans sa pratique et en fit part à maître Castelnau. Ce dernier compris les motivations de son élève mais, estimant qu’il n’avait plus rien à lui apprendre, lui suggéra de remonter à la source s’il souhaitait devenir comme son idole Bruce Lee.
« Remonter à la source »… Des paroles qui résonneront longtemps en Muller, témoin de cette conversation, avant qu’il n’en comprenne le sens exact et ne mesure l’impact profond de ces mots…
C’est ainsi que peu de temps après, avec les recommandations de la communauté chinoise de St Pierre de la Réunion, Daniel partit étancher sa soif de savoir à la source même des arts martiaux : l’île de Formose (l’actuel Taïwan), pour se former au Kung Fu. Ce qui représentait un vrai parcours du combattant lorsque l’on sait qu’à l’époque, ce périple nécessitait pas moins d’une semaine de vols en passant par Maurice, Bombay, Bangkok, Hong Kong… avant d’atterrir enfin à Formose! D’autant plus que ce jeune homme téméraire ne parlait pas un seul mot de chinois !
Daniel fut ainsi le premier occidental à se former auprès de Sifu Lo Man Kam, neveu et disciple de l’illustre Ip Man, dernier Grand Maître incontesté de Wing Chun. Ce Maître a légué un énorme héritage mondial concernant cet art ancestral et a eu notamment comme disciple le non moins célèbre Bruce Lee.
Daniel laissa donc derrière lui son jeune ami qui attendra avec impatience et nostalgie chacun de ses retours. Il mettra petit à petit en lumière ce qui deviendra rapidement une évidence pour Muller: lui aussi désire ardemment aller en Chine pour apprendre le Kung Fu ! Ainsi, à travers le génie, l’audace et la détermination sans faille de Daniel, Muller vivait son propre rêve par procuration car il ressentait qu’un bout de son âme partait avec son ami à chaque fois que ce dernier retournait en Chine.
A chacun de ses retours à la Réunion, Muller retrouvait immanquablement Daniel qui se faisait un plaisir de lui montrer quelques nouvelles techniques de combat apprises lors de ses séjours à l’étranger, sans compter les discussions interminables sur les arts martiaux. C’est dans ce contexte que Daniel lui fit découvrir un art d’une efficacité redoutable encore méconnu des Réunionnais : le Wing Chun !
Il est des rencontres qui vous marquent au plus profond de votre être, qui restent gravées dans votre chair et dont les souvenirs sont impérissables. Plus qu’un maître, Daniel représentait le mentor, le modèle, le moteur de Muller. Celui-ci lui vouait (et lui voue encore à ce jour) une grande admiration. Daniel avait distillé en son cœur et en son être entier le virus du Kung Fu ! Partageant cette passion commune qui dépassait l’entendement, une sincère complicité et une véritable alchimie grandissaient au sein de leur relation au fur et à mesure que les années s’écoulaient.
Daniel, quant à lui, avait conscience des capacités de Muller. Témoin de l’évolution de ce jeune garçon impétueux dont la fascination pour les arts martiaux n’avait jamais faibli avec le temps (bien au contraire), il croyait profondément en Muller. D’ailleurs, il l’encourageait fortement à suivre ses pas à l’étranger.
C’est ainsi qu’inévitablement, Muller devint le disciple de Sifu Daniel Duby De Lavergne au début des années 90, au retour définitif de ce dernier sur l’île de la Réunion !
Malgré les propos et le comportement de son père qui ne le soutenait pas, persistant à le décourager du fait de son allure chétive : « les arts martiaux c’est pour les gens costauds et forts, tu es un gringalet, tu n’y arriveras jamais… », Muller continuait à s’accrocher fermement à ses rêves. De ce fait et durant une partie de son adolescence, il n’hésita pas à faire le mur afin de pouvoir assister à ses entraînements, à l’insu de son père. Il lui arrivait même de devoir se coucher affamé car privé de dîner par celui-ci lorsqu’il avait remarqué que son fils s’était éclipsé en douce. Des illustrations parmi tant d’autres…
Malgré toutes ces épreuves, Muller n’avait de cesse de rétorquer qu’il avait pour exemple un ami aussi « gringalet» (et certainement aussi fou!) que lui qui était parvenu à percer dans le monde des arts martiaux et à se faire un nom en Chine puis aux Etats Unis ! Daniel était ainsi la preuve vivante, au vu de leur gabarit similaire, qu’il pouvait lui aussi réussir dans les arts martiaux. Ce jeune Réunionnais visionnaire et doté d’exceptionnelles facultés martiales excellait dans son art, au point d’être reconnu par ses pairs à l’étranger : Daniel Duby avait notamment obtenu le titre de Full Instructor de Jeet Kune Do, l’art créé par Bruce Lee !
C’est donc muni d’un mental d’acier, d’une persévérance hors norme et d’une foi inébranlable que Muller s’est imposé un régime de vie dont les maîtres-mots étaient sacrifice, rigueur, discipline, entraînements draconiens alliant parfois humiliation et frustration ; repoussant toujours ses limites jusqu’à l’extrême.
Il avait choisi sa voie, rien ne pouvait l’en détourner !
Il eut raison de croire en lui-même : à l’âge de 26 ans, Muller récoltait les fruits de son travail et posait ses pieds pour la première fois sur le sol chinois afin d’aller à la rencontre de Sifu Lo Man Kam, le maître qui a formé Daniel en Wing Chun.
Muller était enfin remonté à la source après de si longues années de dur labeur… l’occasion pour lui de pouvoir saisir l’essence de cet art ancestral qu’est le Wing Chun!
Depuis, ce ne sont pas moins de 35 séjours en Chine qu’il a effectués en l’espace d’une trentaine d’années pour continuer à perfectionner ce qui est désormais devenu son art de prédilection, auprès de son maître Sifu Lo Man Kam. Des séminaires sont également régulièrement organisés à Taïwan pour ses groupes d’élèves.
Des échanges qui ne sont pas à sens unique puisque Muller a pu faire venir à maintes reprises son maître à la Réunion afin que celui-ci prodigue son savoir auprès des Réunionnais (en 1999, 2002, 2014 et 2016).
Autre rencontre extraordinaire : durant l’un de ses déplacements en Asie en janvier 2005, Sifu Ip Chun – l’un des fils du Grand Maître Ip Man – souhaita rencontrer Muller dans une de ses salles d’entrainement à Hong Kong. Après avoir observé ses propres élèves évoluer avec ceux de Muller, et impressionné par la qualité technique du Wing Chun de ces derniers, Sifu Ip Chun déclara : « vous êtes si loin de la source et pourtant vous avez un bon Kung Fu ! ». Des paroles accueillies avec une immense gratitude par ces passionnés sortis tout droit de leur « petit caillou », symbolisant leur récompense ultime après tant d’heures d’entraînements.
Au fur et à mesure de son parcours, le Kung Fu a été à la fois le témoin et le levier de transformation de ce petit garçon – autrefois frêle, timide et incompris – qui ne vibrait que pour ses deux passions : les arts martiaux et la moto. Hé oui, nous avons affaire-là à un double passionné !
Son chemin a été loin d’être un long fleuve tranquille. Il a dû se battre envers et contre tous pour aller au bout de ses convictions, faisant preuve de grande résilience et transmutant son « handicap » en force. Mais au bout du compte, le jeu en valait amplement la chandelle !
Aujourd’hui, Muller a non seulement réalisé ses rêves, mais il s’est surtout réalisé à travers le Kung Fu. Une richesse qui n’a pas de prix ! Il doit TOUT aux arts martiaux comme il aime particulièrement à le souligner !
C’est ainsi que Sifu Muller Lauret est désormais reconnu comme le représentant officiel des écoles de Wing Chun de Taïwan et de Foshan pour la zone Océan Indien, mais aussi pour l’Hexagone !
Il est également à noter que depuis 2015, sur recommandations simultanées de Sifu Lo Man Kam et de Sifu Ip Chun, une photo de l’académie de Sifu Muller Lauret avec ses élèves est exposée dans le « Ip Man Museum » à Foshan en Chine (musée consacré au Grand Maître Ip Man), intégrant ainsi l’histoire du Wing Chun !